Le décret d’application ? Cela sert à quoi ? 

Quand une loi est promulguée, notamment en droit social, les acteurs économiques attendent le décret qui vient préciser son application concrète.

C’est le cas du décret d’application du 17 avril 2023 concernant l’article 4 de la Loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022.

Cette loi ne vous dit rien ?

Pourtant, que vous soyez chef d’entreprise ou collaborateur, elle vous impacte !

La loi, reprise dans l’article L 1237-1-1 du Code du travail, prévoit en effet que « Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste (…) est présumé avoir démissionné ».

Avant la loi de décembre 2022, cela se passait comment ?

Jusqu’ici, l’abandon de poste d’un de ses collaborateurs :

  • mettait le chef d’entreprise dans une  position inconfortable
  • était source de questionnement et d’insécurité juridique.

Devait-on sanctionner le collaborateur ? Si oui, quelle sanction devait-on privilégier ? Et à partir de quelle durée d’absence injustifiée ? Devait-on poursuivre le versement du salaire alors même que le collaborateur n’était pas présent à son poste et n’effectuait pas son travail ? Interrompre le paiement du salaire constitue une faute de la part de l’employeur et le collaborateur pourrait dans ces conditions prendre acte de la rupture du contrat de travail et aller le faire acter par le Tribunal des Prud’hommes.

La situation n’est pas claire juridiquement et lorsque les textes sont flous la situation génère des risques juridiques – et donc financiers – en cas de faux-pas de la part du chef d’entreprise.

Une absence qui se prolongeait se terminait inévitablement par un licenciement pour motif personnel. En clair, un collaborateur qui souhaitait quitter son poste sans parvenir à une solution amiable avec son employeur pouvait possiblement abandonner son poste et attendre son licenciement. Rare étaient les employeurs qui allaient au Tribunal des Prud’hommes contre un collaborateur qui avait abandonné son poste. La procédure était trop longue et trop couteuse par rapport au coût du licenciement. Bien entendu, ces abus restaient rares et surtout, la situation était au final inconfortable pour le collaborateur comme pour l’employeur.

Au fond la nouvelle loi change quoi ?  

Désormais, face à un abandon de poste, on pourra légitimement présumer qu’il s’agit d’une démission.

A présent, les textes des articles L 1237-1-1 et R 1237-13 du Code du travail prévoient que l’employeur pourra

  • envoyer une mise en demeure par courrier recommandé (ou remise en main propre contre décharge) de justifier l’absence et de reprendre le poste sous 15 jours
  • à défaut, l’employeur pourra constater la démission du collaborateur.

Interrogé sur le sujet, Maître Laurent Petit, expert en Droit social et avocat senior au barreau de Rennes, souligne ainsi que « l’intérêt principal de cette mesure est de dissuader les démissions déguisées ».

Le collaborateur peut-il se défendre d’une présomption de démission ?

Oui !

Le code du Travail (article R 1231-13) précise en effet que le collaborateur peut répondre au courrier de mise en demeure de son employeur en invoquant des motifs « tels que notamment » :

  • des raisons médicales
  • l’exercice du droit de retrait
  • le droit de grève
  • le refus d’exercer une instruction contraire à une règlementation
  • la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur

Quel risque subsiste pour l’employeur ?

Vous l’aurez compris, tout est dans le « et notamment » : le législateur dresse une liste de motifs considérés comme légitimes pour justifier un abandon de poste … et cette liste n’est pas exhaustive !

Quelles conséquences si le salarié décide de contester la décision de l’employeur d’assimiler son absence à une démission ? Selon Maître Laurent Petit « le risque pour l’employeur sera de voir requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors qu’il n’aura fait qu’appliquer la loi » !

Néanmoins, la procédure peut être simplifiée et surtout moins couteuse pour l’employeur pour certains cas d’abandon de poste.

Comme toujours lorsque de nouvelles règles sociales voient le jour, l’avenir nous dira de quelle manière les employeurs se saisiront de cette nouvelle disposition et quelles décisions des Conseils des Prud’hommes puis des Cour d’Appel viendront confirmer ou infirmer les exceptions possibles à la nouvelle règle.